
22/04/2020
I – Sur les ordonnances du 25 mars 2020 (n° 2020-303) et du 27 mars 2020 (n°2020-341)
La crise sanitaire actuelle va créer sans aucun doute des difficultés économiques pour de nombreuses entreprises ou va accélérer celles déjà existantes.
Afin de les aider à surmonter ces éventuelles difficultés, le gouvernement a pris différentes mesures dans une ordonnance publiée le 25 mars 2020.
Ont ainsi été prévues que les audiences qui concernent les entreprises en difficultés pourront se tenir par visio-conférences ou de manière dématérialisée en raison de la fermeture des tribunaux.
Au-delà de ces modalités pratiques, il apparaît cependant que le dispositif législatif et réglementaire actuel relatif aux entreprises en difficultés, codifié dans le livre VI du code de commerce, n’est pas taillé pour faire face à une telle pandémie.
En effet, les entreprises ne sont pas forcément en état de cessation des paiements et ne sont pas éligibles aux procédures de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire.
Or l’absence de clientèle ou d’échanges commerciaux créent nécessairement des difficultés économiques.
Les chefs d’entreprise n’ont pas forcément envie de faire connaître leurs difficultés afin de ne pas effrayer leurs fournisseurs ou partenaires.
Il est en effet rappelé que les jugements qui prononcent l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire font l’objet d’une publication.
Le législateur a, dans ces conditions, prévu deux mécanismes permettant aux chefs d’entreprises d’anticiper, et ce de manière confidentielle, les difficultés à venir.
C’est ainsi qu’ont été conçus le mandat ad’hoc et la procédure de conciliation.
Ces procédures ne sont ouvertes qu’aux entreprises qui ne sont pas en état de cessation des paiements pour la première ou dans un état de cessation des paiements inférieur à quarante-cinq jours pour la seconde.
L’ordonnance du 27 mars 2020 prévoit cependant une atténuation de ce principe pour le mandat ad’hoc.
En effet, exceptionnellement, la date de cessation des paiements est appréciée au 12 mars 2020.
Ainsi, si celle-ci intervient après cette date, un mandat ad’hoc pourra tout de même être ouvert.
Il en est de même en matière de conciliation dans l’hypothèse où le délai de 45 jours est dépassé postérieurement au 12 mars 2020.
Ces mesures exceptionnelles s’appliquent jusqu’à la fin de l’état d’urgence, plus trois mois.
L’ouverture d’une telle procédure a pour avantage de ne pas être publiée et donc d’être confidentielle.
Cependant, les créanciers ont toujours la possibilité de poursuivre le recouvrement de leurs créances, sauf au débiteur d’initier une procédure couteuse afin de contrer les poursuites en cours de conciliation.
C’est pourquoi il conviendrait de réfléchir à un type de mesures exceptionnelles afin notamment de permettre au tribunal qui homologuerait l’accord de conciliation d’en imposer les termes aux autres créanciers qui n’ont pas accepté de participer à cette conciliation.
Il est pour l’heure simplement prévu la possibilité d’enchaîner deux procédures de conciliations sans délai au lieu de trois mois auparavant.
De même les procédures peuvent être prolongées du fait de la crise sanitaire.
Par ailleurs, qu’en est-il des salariés ?
Il se pose nécessairement la question du règlement du salaire en temps et en heure.
Or dans le cadre des mesures préventives l’assurance garantie des salaires (AGS) n’intervient pas, l’entreprise n’étant pas en cessation des paiements.
Dans le cadre de la crise actuelle de pandémie, peut-être serait-il préférable que lorsque une entreprise fait appel au mandat ad’hoc ou à une conciliation que l’AGS viennent garantir les salaires immédiatement.
L’objectif de cette note n’est cependant pas de critiquer le système en place mais d’en faire une synthèse afin de permettre aux chefs d’entreprises de s’y retrouver dans les différentes possibilités qui lui sont offertes.
II – Sur les mesures préventives
A – Le mandat ad’hoc
Cette procédure est prévue à l’article L 611-3 du code de commerce.
La désignation du mandataire ad’hoc procède d’une démarche volontaire du chef d’entreprise.
Pour ce faire, le débiteur ne doit pas être, selon une jurisprudence majoritaire, en état de cessation des paiements.
La requête doit exposer les raisons qui motivent la demande (article R 611-18) et le chef d’entreprise peut proposer le mandataire ad’hoc qu’il souhaiterait.
Il est recommandé en pratique de rencontrer au préalable le mandataire ad’hoc dont la désignation est souhaitée afin de pouvoir s’entretenir avec ce dernier tant des honoraires qu’il pratique que de l’étendue de sa mission.
Le Président du tribunal de commerce fait convoquer le représentant de la personne morale ou le débiteur aux fins de requérir ses observations.
Il est mis fin au mandat ad’hoc soit à la demande du débiteur, soit à la demande du mandataire ad’hoc qui fait dans ces conditions connaître au Président les raisons qui justifient qu’il soit mis fin à sa mission.
L’intérêt de cette procédure du mandat ad’hoc est qu’elle est parfaitement confidentielle et qu’elle fait appel à un tiers (en général Mandataire Judiciaire ou Administrateur Judiciaire) qui a l’expérience des négociations avec les créanciers des entreprises.
B – La conciliation
Le livre VI du code de commerce prévoit également en son article L 611-4 une procédure de conciliation.
Dans ce cas, l’entreprise ne doit pas être en cessation des paiements depuis plus de 45 jours.
L’entreprise doit éprouver une difficulté juridique, économique ou financière.
Le tribunal de commerce est saisi sur requête.
Il faut tout comme dans le mandat ad’hoc y exposer la situation économique, financière et sociale, patrimoniale, les besoins de financement et le cas échéant, les moyens d’y faire face.
Le débiteur peut, là également, proposer le nom d’un conciliateur.
Là encore, il est vivement recommandé de prendre attache avec un conciliateur, en général un Mandataire Judiciaire ou un Administrateur Judiciaire, préalablement à la saisine du tribunal de commerce.
Si le Président du tribunal de commerce fait droit à la demande de conciliation, cette procédure est d’une durée maximale de quatre mois, mais elle peut être prorogée pour éventuellement un mois supplémentaire.
Le Ministère public sera informé de cette demande de conciliation.
Ce dernier devra alors se prononcer sur les honoraires du conciliateur.
Toutefois, même si cela n’est pas prévu par les textes le Ministère public profitera de l’occasion pour vérifier que la société ne soit pas en état de cessation des paiements ou que celle-ci soit bien inférieure à 45 jours.
Là aussi, la mission du conciliateur est de trouver un accord avec les créanciers de la société qui rencontre des difficultés.
Dans le cadre de cette procédure, le débiteur peut assigner un créancier qui l’aurait mis en demeure, devant le Tribunal de commerce, afin de solliciter des délais de paiement sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil.
Cette saisine peut également se faire lorsque le débiteur est assigné devant une autre juridiction, afin qu’il soit sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la conciliation.
La conciliation prend fin soit sur demande du conciliateur lorsque le débiteur rejette toutes les propositions, soit à la demande du débiteur lui-même, soit de plein droit lorsqu’un accord a été homologué.
Lorsqu’un accord est homologué, son caractère contractuel est suffisant pour lui donner force obligatoire
La loi prévoit en l’article L 611-8 du code de commerce deux autres issues à savoir : l’homologation et la constatation.
La procédure d’homologation est beaucoup plus lourde d’une part parce que le Ministère public est convoqué à l’audience et peut faire appel du jugement d’homologation et d’autre part parce que la procédure perd alors son caractère confidentiel.
Toutefois, cette homologation est régulièrement voulue par les créanciers car grâce à cela, ils bénéficient du privilège de la conciliation dit privilège de new money.