NULLITE TEG ET ANNEE LOMBARDE (DIVISEUR 360)

Par un arrêt du 2 avril 2015, la Cour d’Appel de Versailles est venue préciser, voire clarifier, l’arrêt de la 1ère Chambre Civile de la Cour de cassation rendu le 19 juin 2013 (Cass. Civ. 1ère, 19/06/2013, n°12-16651).

Cet arrêt de principe a été abondamment cité mais peu d’auteurs se sont osés à le commenter et se sont de le paraphraser.

Or une lecture de l’Avis de l’Avocat Général éclairée par l’esprit du code de la consommation permet de comprendre sans ambigüité cette avancée jurisprudentielle protectrice des consommateurs.

Tout d’abord, la pratique de l’année lombarde contrevient à l’objectif de transparence initiée par le législateur.

La Commission des clauses abusives a d’ailleurs, dans une recommandation du 20 septembre 2005, condamnée cette pratique du diviseur 360.

C’est ainsi qu’elle a indiqué au paragraphe 8 de sa recommandation n°05-02 :

« Considérant qu’une clause prévoit le calcul des intérêts conventionnels sur la base d’une année de 360 jours ; qu’une telle clause, qui ne tient pas compte de la durée réelle de l’année civile et qui ne permet pas au consommateur d’évaluer le surcoût qui est susceptible d’en découler à son détriment, est de nature à créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur ».

La Commission a en conséquence recommandé que soit éliminée des conventions des comptes de dépôt souscrits par des consommateurs les clauses ayant pour objet ou pour effet :

« De permettre à l’établissement de crédit de calculer sur une année de 360 jours sans que le consommateur soit mis à même d’en apprécier l’incidence financière ».

Ensuite, la pratique de l’année lombarde contrevient à l’objectif de cohérence.

Il est en effet peu cohérent de mentionner, dans un même acte, un taux d’intérêt conventionnel calculé sur 360 jours et un taux effectif global, qui intègre ce taux conventionnel, calculé sur 365 ou 366 jours.

Le Professeur MATHEY écrivait à l’occasion d’un commentaire de l’arrêt de principe du 19 juin 2013 que :

« Il est vrai que le maintien de la pratique du diviseur 360 pourrait faire craindre que la présentation de l’offre soit de nature à obscurcir la compréhension de la structure du prix du crédit consenti ». (RDBF, novembre-décembre 2013, n°187).
La Cour de Cassation n’a pas entendu sanctionner une erreur dans le calcul du taux conventionnel, mais une pratique opaque des banques qui ne permet pas aux emprunteurs consommateurs de connaitre avec précision le coût du crédit et de comparer en pleine connaissance les différentes offres.

L’interdiction du diviseur 360 a pour objectif de protéger l’intégrité du consentement du consommateur.

Les Magistrats de la rue de l’Horloge viennent de rappeler ce principe (Cass. Civ. 1ère, 17/06/2015, n°14-14326) :

« […] le taux conventionnel doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base de l’année civile dans tout acte de prêt consenti à un consommateur ou à un non-professionnel […] ».

Cet arrêt confirmatif, qui intervient deux ans après l’arrêt de principe précité, reprend les mêmes fondements juridiques et subit en conséquence les mêmes critiques.

La Haute Juridiction a ainsi entendu confirmer et affirmer sa position.

Les établissements de crédit ne sauraient faire dévier le débat sur le calcul du taux comme ils tentent de le faire devant les juridictions du fond.

Cet arrêt confirmatif permet ainsi d’inclure la nullité du taux conventionnel en raison de son calcul sur une année lombarde dans le champ des nullités que nous pourrions qualifier de forme par opposition à celle qui résultent d’une erreur dans le calcul même.

Le TEG étant erroné, non pas dans son application mathématique, mais bien dans la base même de calcul, il conviendra alors de requérir la nullité de celui-ci.

La sanction de la nullité étant l’application du taux d’intérêt légal du jour de l’acceptation de l’offre de prêt par substitution au taux d’intérêt conventionnel.

La Cour de cassation entend donc rappeler que les dispositions relatives au taux conventionnel sont d’ordre public, ce qui impose aux banques de calculer le taux conventionnel sur une année civile de 365 ou 366 jours et non sur 360 jours.

Ce principe vise à protéger les consommateurs ou les non-professionnels.

Force est d’ailleurs de constater que les banques ont récemment modifié les conditions générales des prêts qui indiquaient que le taux conventionnel était calculé sur une année de 360 jours, un semestre de 180 jours, un trimestre de 90 jours et un mois de 30 jours.

L’objectif de transparence et de cohérence voulu par le législateur reçoit enfin application.